Une conférence et une table ronde pour exposer les défis des Fransaskois(es) venu(e)s d’Afrique

 


: : Sovi L. AHOUANSOU – Regina : :


Parmi les nombreuses activités organisées à Regina pour marquer le Mois de l’Histoire des Noirs, il y a eu une conférence organisée par le Centre canadien de recherche sur les francophonies en milieu minoritaire (CRFM) de l'Institut français de l'Université de Regina. Celle-ci a été suivie d’une table ronde sur le thème « L’employabilité des immigrants francophones en Saskatchewan », proposé par la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS). Le Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan (RIF-SK) de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) a également pris une part active.

La conférence, qui avait pour thème « L'immigration francophone dans la perspective du Mois de l'Histoire des Noirs », a été animée par Dr. Amal Madibbo, professeure au département de Sociologie de l’université de Calgary. Dans son introduction, madame Madibbo a rappelé que la présence des Noirs au Canada remonte à plus de 400 ans. Elle a illustré ses propos avec un portrait de Mathieu da Costa, qui serait arrivé en Nouvelle-France avec l’équipe de l’explorateur Pierre Du Gua de Monts. La littérature rappelle que Mathieu da Costa a travaillé plus tard avec Samuel de Champlain comme interprète grâce à sa connaissance du Mi'kmaq, une langue des aborigènes du Canada. Toujours pour rappeler la longue présence de l’immigration (parfois involontaire) Noire au Canada, Dr Madibbo a illustré ses propos avec quelques portraits d’esclaves noirs, dont Olivier Le jeune qui serait le premier Noir vendu,acheté par le Français Olivier Le Baillif du Britannique David Kirke dans les années 1620.

Les étapes de l’immigration

La conférencière a identifié trois étapes de l’immigration : l’établissement, l’adaptation et l’intégration.
• L’établissement est la première étape pendant laquelle le nouveau venu ou la nouvelle venue cherche à satisfaire ses besoins immédiats (logement, école pour ses enfants, orientation à la vie...).
• Pendant l’adaptation, l’immigrant(e) prend les décisions concernant l’emploi et l’endroit (voire la province) où s’établir de manière définitive.
• La troisième étape est celle de l’intégration ou de l’inclusion. À cette étape, l’immigrant participe activement à la vie socioéconomique de son pays d’adoption, contribue à l’épanouissement de sa société d’accueil et construit une appartenance identitaire.

Chacune de ces étapes a des conditions de réussite afférentes et est capitale dans le processus d’appartenance identitaire de l’immigrant(e). À partir des résultats de ses recherches menées en Alberta, madame Madibbo a illustré ses propos et énuméré les conditions de réussite du processus d’immigration des populations noires francophones en milieu minoritaire au Canada, pour arriver à la conclusion selon laquelle « du côté francophone, il y a des difficultés pour s’ouvrir à la diversité... et que les francophones d’Afrique ne trouvent pas – encore – leur compte ».

« Je suis citoyen Canadien. Cependant il y a des discriminations, même si j’ai les mêmes droits qu’un Canadien « Blanc », il y a des barrières. Je suis surqualifié [pour le poste que j’occupe] mais je ne peux pas avoir certains [postes]. Il y a des postes, mais on ne peut pas aller loin. Pourtant, on est Canadien et on a les mêmes formations », ont rapporté certaines personnes auprès de qui la professeure a mené ses recherches. Cette situation, bien présente en Alberta où le taux de chômage est de l’ordre de 4,3%, est similaire à celle que vivent bon nombre de Fransaskois(e)s d’origine africaine; d’où l’implication de l’ACF, la CAFS et du CRFM à travers l’Institut français de l’université de Regina. La table ronde qui a suivi la présentation de madame Madibbo avait pour objectif de proposer les pistes de solution à ce problème auquel certains membres de la communauté africaine sont confrontés.

Pour le représentant de la CAFS, « il faut cesser de voir l’immigrant francophone seulement sous l’angle du « capital humain », c’est-à-dire quelqu’un qui ne doit apporter qu’une plus value économique à sa société. Mais plutôt voir l’immigrant comme un acteur de développement social (communautaire), un acteur d’enrichissement culturel de sa société d’accueil ». Comme ébauche de solution, le panéliste représentant la CAFS propose de :
• Réviser les modes de recrutements informels, car ceux-ci ne sont pas à l’avantage de tous;
• Renforcer les lois sur les pratiques discriminatoires, surtout sur le marché de l’emploi, pour plus de justice et d’équité dans les recrutements;
• Mettre en place ou renforcer les programmes d’employabilité et de mise à niveau des immigrants francophones, surtout en milieu minoritaire.
• Mettre en place ou renforcer les programmes d’adaptabilité (tutorat, mentorat, stages) des compétences
• Mettre en place des politiques de quotas ou de « discrimination positive » pour rattraper le retard et corriger les inégalités.

Le représentant du RIF-SK de l’ACF a expliqué le soutien que son organisme offre aux immigrant(e)s francophones sollicitant ou ayant sollicité son aide.

Un débat entre le public et les panélistes, avec la participation du professeure Madibbo,  a clôturé la séance.

Photo 1 : Dr Sheila Petty de l’institut français a facilité la conférence et la table ronde.
Photo 2 : Dr. Amal Madibbo lors de sa présentation
Photos : Sovi L. Ahouansou

© InfoGraphiques. Tous droits réservés.