L’excellent reportage sur les lacunes dans les centres d’hébergement de la Saskatchewan, diffusé à Radio-Canada, m’a laissé songeur. Le journaliste Guillaume Dumont y expose d’inquiétants manquements aux inspections des centres accueillant les vieux. (Oui je sais, il est mal vu de parler de « vieux ». Il faut plutôt utiliser les termes « aînés », « personnes âgées » , « personnes du troisième âge ». Mais ce n'est pas parce qu'on a remplacé « vieillesse » par « âge d'or » que la vieillesse est dorée).
Vieillir n’est pas une maladie, ça fait partie de la vie. Être vieux, ça veut dire qu'on vit encore. Mais notre société valorise surtout la jeunesse, la productivité. Or, même dans des conditions idéales, vient un jour où on ne « sert » plus, où on n'est plus « productif ».
Pourtant, ce n'est pas parce qu'on ne maîtrise pas tous les gadgets derniers cris qu'on n'a plus rien à dire, à offrir. Quiconque fréquente les quincailleries vous le dira: ce sont les retraités (qui reprennent du service, souvent pour arrondir les fins de mois), qui offrent le meilleur service. Il n'y a pas de meilleur comptable que le comptable à la retraite, de meilleur tuteur que le prof à la retraite, etc...
L'expérience acquise ne devient pas obsolète parce qu'elle ne se traduit pas en tweets, en tags, en selfies. Ce qu'on a appris via les lectures et la réflexion ne vaut pas moins que ce qu'on a googlé sur le Web. Il ne faut pas confondre productivité et technologie, savoir et infos.
Puis vient un jour où la santé se fait chancelante, où vivre sans soutien n’est plus une option. Si la famille ou le conjoint ne sont pas en mesure d’offrir l’appui requis, il faut alors penser au centre d’hébergement
Les jeunes parents sont à l'affût du moindre manquement du centre de la petite enfance qui accueille leur progéniture, mais ils confieront leurs propres parents à des centres d’hébergement sans vérifier, notamment par des visites impromptu, la qualité des soins qu’ils y reçoivent.
Comment peut-on vivre, comme société, en sachant que nos « vieux », qui ont contribué à créer la richesse d'une des sociétés les plus riches au monde, soient laissés sans surveillance, soumis à des bains trop chauds ou trop froids, obligés de manger (souvent mal) à des heures ridicules, aux mains de préposés souvent mal formés et sous-payés? Est-ce normal qu'un étudiant qui travaille chez Burger King gagne plus qu'un « préposé aux bénéficiaires »?
Bien sur, il y a ceux qui auront réussi à mettre assez d’argent de côté pour s’assurer une place dans un centre haut de gamme où les services sont exemplaires. Mais, tout comme l’accès aux soins de santé est universel dans notre pays, l’accès à un hébergement de qualité pendant nos dernières années ne devrait pas dépendre de notre coussin financier.
Jean-Pierre Picard |